Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/86

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— Allez au diable, vous tous beaux jeunes gens qui croyez toujours pouvoir en faire à votre guise en ce monde ! Vous ne comprenez pas les femmes. Elles ne vous admirent pas la moitié autant que vous vous admirez vous-mêmes. Éléonore disait autrefois à ses sœurs qu’elle m’avait épousé pour ma laideur, « si amusante et si étrange, disait-elle, qu’elle avait absolument triomphé de sa prudence ».

— Vous ! il était bien facile de vous aimer. Mais, ici, ce n’est pas de beauté ou de laideur qu’il est question. Je n’aime pas Casaubon.

C’était la façon la plus énergique de sir James de faire entendre qu’il avait mauvaise opinion du caractère d’un homme.

— Pourquoi ? Que savez-vous contre lui ? demanda le recteur, déposant ses bobines et enfonçant ses pouces dans les entournures de son gilet d’un air attentif.

C’était toujours une difficulté pour sir James d’expliquer ses motifs.

— Voyons, Cadwallader, a-t-il seulement un peu de cœur ?

— Eh bien, oui. Je ne dis pas un cœur tendre, mais un bon noyau solide, soyez-en sûr. Il est très secourable pour sa famille, qui est peu fortunée. Il pensionne plusieurs de ses parentes et il fait élever un jeune homme à grands frais. Casaubon agit d’après son sens de la justice. La sœur de sa mère a fait, je crois, un mauvais mariage avec un Polonais ; elle s’est perdue, sa famille l’a reniée et abandonnée. Sans cet événement, Casaubon n’aurait eu que la moitié de la fortune qu’il possède aujourd’hui. Je crois qu’il a tâché de retrouver ses cousins et de voir ce qu’il pourrait faire pour eux. Tous les hommes ne rendraient pas un aussi beau son que celui-là, si vous essayiez leur métal. Vous, Chettam, c’est différent ; mais pas tous les hommes.

— Je ne sais pas, dit sir James rougissant fortement, je