Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/85

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froncement de sourcils habituels à son visage, tandis qu’il répondait :

— C’est cette conduite de Brooke ; il faudrait lui parler sérieusement.

— Quelle conduite ? Parce qu’il veut se présenter à la députation ? dit M. Cadwallader continuant à arranger ses bobines. Je ne puis croire qu’il s’y décide, mais où serait le mal, si cela lui plaît ? Tous les adversaires des libéraux devraient se féliciter qu’ils ne mettent pas en avant leurs hommes les plus forts. Ce n’est pas avec la tête de notre ami Brooke comme batterie de campagne qu’ils démoliront la constitution.

— Ce n’est pas de cela que je veux parler, dit sir James qui s’était jeté dans un fauteuil, et examinait avec une profonde amertume la semelle de sa bottine. C’est du mariage que je parle et de la faiblesse avec laquelle il laisse cette belle jeune fille épouser Casaubon.

— Casaubon ? mais quoi ! je ne vois rien à reprendre en lui si cette jeune fille l’aime.

— Elle est trop jeune pour bien savoir ce qu’elle aime ! Son tuteur devrait intervenir et ne pas laisser la chose se conclure aussi précipitamment. Je m’étonne qu’un homme comme vous, Cadwallader, un homme qui a des filles, et un cœur comme le vôtre surtout, puisse considérer cette affaire avec indifférence. Songez-y sérieusement.

— Je ne plaisante pas, je suis aussi sérieux que possible, répondit le recteur avec un petit rire intérieur tout à fait provocant. Vous ne valez pas mieux qu’Éléonore. Elle voulait m’envoyer faire la leçon à Brooke ; mais je lui ai rappelé que ses amies avaient eu aussi une triste opinion de son mariage lorsqu’elle m’épousa…

— Mais voyez ce Casaubon ! Il a au moins cinquante ans et je ne crois pas qu’il ait jamais pu être autre chose que l’ombre d’un homme ! Voyez un peu ses jambes !