Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/98

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doute mes notions d’utilité ici-bas sont bien imparfaites, et je sens que j’ai, dans cette voie, tout un apprentissage à faire.

— Sûrement, dit M. Casaubon. Toute position comporte ses devoirs particuliers. La vôtre, comme maîtresse de Lowick, ne manquera pas, je l’espère, de combler toutes vos aspirations.

— Oh ! j’en suis bien sûre ; ne croyez pas que je sols triste.

— Voilà qui est bien. Mais, si vous n’êtes pas fatiguée, nous prendrons pour revenir un autre chemin.

Dorothée n’était nullement fatiguée, et on fit un petit détour jusqu’à un if superbe, gloire héréditaire de la propriété. Comme ils s’en rapprochaient, une forme se détachant sur un fond de verdure sombre, apparut assise sur le banc, en train de dessiner le vieil arbre. M. Brooke, qui marchait devant avec Célia, se retourna pour demander qui était ce jouvenceau.

— C’est un jeune parent à moi, répondit M. Casaubon, un petit-cousin au fait, ajouta-t-il en regardant Dorothée, c’est le petit-fils de la dame dont vous avez remarqué le portrait, de ma tante Julia.

Le jeune homme avait déposé son album et s’était levé. Les boucles touffues de ses cheveux châtain clair et sa grande jeunesse rappelèrent aussitôt la vision entrevue par Célia.

— Dorothée, permettez que je vous présente mon cousin, M. Ladislaw. — Will, miss Brooke !…

Le cousin de M. Casaubon était alors si près d’eux, que, lorsqu’il ôta son chapeau, Dorothée put voir distinctement deux yeux gris très rapprochée, un nez fin et irrégulier traversé par une petite ride et une abondante chevelure rejetée en arrière ; mais la bouche et le menton étaient d’une forme plus accentuée et pour ainsi dire plus farouche que sur le portrait de sa grand’mère. Le jeune Ladislaw ne trouva pas