Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/99

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nécessaire de sourire comme s’il se fût trouvé charmé de cette présentation à sa future cousine ; son visage exprima au contraire un mécontentement visible.

— Vous êtes artiste, à ce que je vois, dit M. Brooke prenant l’album et le feuilletant de sa façon familière.

— Non, ce sont de petits croquis qui m’amusent à faire ; il n’y a rien de joli dans cet album, répondit le jeune Ladislaw rougissant peut-être plus encore de mécontentement que de modestie.

— Oh ! voyez cela ! Voici pourtant un joli petit morceau. J’ai travaillé un peu dans cette branche, moi aussi autrefois, vous savez… Regardez-moi cela : c’est, par ma foi, une jolie chose et enlevée, comme nous disions, avec « brio ».

M. Brooke présentait aux deux jeunes filles une grande esquisse à l’aquarelle, représentant un sol pierreux, des arbres et un étang.

— Je suis mauvais juge en ces matières, dit Dorothée non pas avec froideur, mais comme pour protester contre l’appel fait à son goût. Vous savez bien, mon oncle, que je n’admire pas ces tableaux que vous dites si vantés ! Ils ont un langage que je ne comprends pas. Il y a, je suppose, entre la nature et les reproductions de la nature, quelque rapport que je suis trop ignorante pour saisir, de même qu’un vers grec ne me dit rien, alors que vous en comprenez parfaitement le sens.

Dorothée regarda M. Casaubon qui inclina la tête vers elle tandis que M. Brooke continuait avec son sourire nonchalant :

— Dieu me bénisse ! comme on se ressemble peu ! Votre éducation, ma chère enfant, a été fort incomplète sous ce rapport, car c’est précisément ce que vous dédaignez qui convient aux jeunes filles : le dessin, les beaux-arts, etc., etc… Mais vous vous êtes mise à dessiner des plans ;