Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/113

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dence et de bonnes occasions, étendre graduellement les terres, et la jolie habitation qu’il pourrait peu à peu embellir encore, lui serviraient de retraite, le jour où il jugerait avantageux à la gloire divine de se retirer partiellement des affaires, afin de faire porter avec plus de force, du côté de la Vérité de l’Évangile, le poids de la propriété territoriale de l’endroit. Une de ses plus fortes raisons de penser ainsi, c’était la facilité surprenante avec laquelle il avait acquis Stone-Court, alors que tout le monde s’était attendu à voir M. Rigg Featherstone s’y cramponner comme au jardin d’Éden. Telle avait été aussi l’attente du pauvre Pierre, lorsqu’il voyait en imagination, à travers le tertre de gazon qui devait le recouvrir, sans être gêné par la perspective, son légataire à figure de grenouille, jouissant de la belle vieille demeure, à la surprise et au désappointement perpétuels des autres survivants.

Mais combien peu nous savons ce qui constituerait le paradis pour nos voisins ! Le froid et judicieux Joshua Rigg n’avait pas laissé deviner à son père que Stone-Court ne fût pas, à ses yeux, le bien suprême, et il avait d’ailleurs sans aucun doute souhaité d’en devenir possesseur. Mais, à l’inverse de Warren Hastings qui convoitait de l’or en vue d’acheter Daylesford, si Joshua Rigg convoitait Stone-Court, c’était en vue de s’en faire de l’or. Il avait une vision très distincte et très intense de son bien suprême, à lui ; l’énergique avidité dont il avait hérité avait pris, par la suite des circonstances, une forme spéciale et le suprême bien, pour lui, c’était de devenir changeur. À ses jours lointains d’apprentissage, saute-ruisseau dans un port de mer, il regardait par les fenêtres des changeurs, comme d’autres gamins regardent par les fenêtres des pâtissiers ; cette fascination était devenue graduellement en lui une passion enracinée ; il avait l’intention, dès qu’il aurait quelque fortune, de faire bien des choses, entre autres, d’épouser