Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/122

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contrer. Je présume que vous avez un chez-vous quelque part ailleurs et que vous serez heureux d’y rentrer.

— Mais, quand un homme a un peu de cœur, est-ce qu’il ne désire pas revoir un vieil ami, Nick ? — il faut que je vous appelle Nick, — nous vous appelions toujours le petit Nick, du temps où nous savions que vous vouliez épouser la vieille veuve. On disait même parfois que vous aviez un joli air de famille avec le vieux Nick[1], mais ç’a été le tort de votre mère de vous appeler Nicolas. N’êtes-vous pas heureux de me revoir ? J’attendais que vous m’invitiez à venir demeurer avec vous, en quelque joli endroit. Je n’ai plus d’établissement, maintenant que ma femme est morte. Je n’ai pas d’attachement particulier pour un lieu plutôt que pour un autre ; j’aimerais autant m’établir dans ces environs qu’autre part.

— Puis-je vous demander pourquoi vous êtes revenu d’Amérique ? Je croyais que le vif désir que vous exprimiez d’y aller, quand on vous en a fourni les moyens, équivalait à un engagement d’y rester pour la vie.

— Je n’ai jamais vu que le désir d’aller quelque part fût la même chose que le désir d’y rester. J’y ai vécu cependant l’espace de dix ans ; il ne me convenait pas d’y rester plus longtemps. Et je n’y retournerai pas, Nick. Ici M. Raffles cligna lentement de l’œil en regardant M. Bulstrode.

— Désirez-vous entrer dans quelque affaire ? Quelle est votre profession pour le moment ?

— Je vous remercie, ma profession est de m’amuser le plus possible. Je ne me soucie plus de travailler, maintenant. Si je faisais quelque chose, ce serait de petits voyages pour le commerce du tabac, — ou quelque chose de ce genre, qui procure à un homme des relations agréables. Mais non pas sans un petit revenu assuré. Voilà ce qu’il me faut : je ne

  1. Old Nick, un des surnoms du diable.