Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/148

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pour Dorothée une sorte de profanation. Il savait que le monde trouverait un tel sentiment absurde, contraire à l’ordre des choses, surtout quand il s’agissait d’une femme de vingt et un ans ; l’habitude « du monde » étant de considérer le mariage d’une jeune veuve comme un événement certain et probablement rapproché, et de sourire d’une façon significative lorsque la jeune veuve agissait en conséquence. Mais si le choix de Dorothée était d’épouser la solitude, cette résolution lui siérait bien.



CHAPITRE III


La confiance de Dorothée dans les connaissances de Caleb Garth avait commencé en apprenant qu’il approuvait ses chaumières ; elle s’était rapidement accrue pendant son séjour à Freshitt, alors que, sur les instances de sir James, elle parcourait à cheval avec lui et Caleb les deux domaines. Caleb avait pour elle une profonde admiration : il disait à sa femme que mistress Casaubon avait pour les affaires une tête tout à fait exceptionnelle chez une femme. Il faut se rappeler que par « les affaires » Caleb n’entendait jamais les transactions d’argent, mais l’intelligente application du travail.

— Tout à fait exceptionnelle ! répéta Caleb. Elle m’a dit une chose que je me répétais à moi-même bien souvent, quand j’étais jeune : — Monsieur Garth, j’aimerais à sentir, si je vivais assez pour devenir vieille, que j’ai amélioré une grande étendue de terres et élevé beaucoup de bonnes chaumières, parce que c’est un travail profitable pendant qu’on l’exécute et qu’après, les gens s’en trouvent mieux. Ce sont ses propres paroles ; c’est ainsi qu’elle voit les choses.