Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/150

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taient sur ce sujet des vues particulièrement arrêtées. Les femmes, jeunes ou vieilles, regardaient la locomotion par la vapeur comme une chose présomptueuse et périlleuse, et protestaient que rien ne les déciderait jamais à monter dans un wagon de chemin de fer ; les propriétaires, avec des arguments aussi différents les uns des autres que M. Salomon Featherstone différait de lord Medlicote, n’en étaient pas moins tous unanimes dans l’opinion qu’en rendant du terrain, soit à l’ennemi de l’humanité, soit à une compagnie obligée d’acheter, il fallait faire payer le plus cher possible à ces agences malignes le droit de nuire à l’humanité.

Mais les gens à compréhension plus lente, tels que M. Salomon et mistress Waule, mirent beaucoup de temps pour arriver à cette conclusion ; leurs esprits s’arrêtaient à la conception toute vive de ce que ce serait que de couper en deux le Grand Pré et de le transformer en morceaux triangulaires ; « ce ne serait plus rien du tout », et les grosses indemnités leur semblaient chose impossible à croire, en tout cas bien lointaine.

— Le meilleur moyen serait de ne rien dire et de poster quelqu’un en vedette pour les renvoyer avec la puce à l’oreille, quand ils viendront espionner et mesurer, disait Salomon. C’est ce qu’on leur a fait près de Brassing, à ce que j’ai entendu dire. Qu’ils s’en aillent couper une autre paroisse. Je n’y crois pas, à ces indemnités capables de vous dédommager d’une invasion de brigands venant fouler aux pieds vos moissons. Et, dans tous les cas, plus nous leur mettrons de bâtons dans les roues, plus ils nous payeront cher pour continuer, s’ils sont obligés d’avancer.

Et Salomon d’agir en conséquence, en stimulant, en toute occasion, les méfiances autour de lui et notamment au hameau de Frick, qu’il habitait. Le terrain était préparé à souhait.

— Le moins qu’ils prétendissent, ces gens du chemin de