Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/156

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raconter des mensonges. Vous pensez que ces gens-là voulaient vous faire du tort !

— Oui-da.

— Sottise ! Il n’en est rien ! Ces hommes étudient le terrain pour voir la direction que devra prendre le chemin de fer. Maintenant, mes garçons, vous ne pouvez l’empêcher, le chemin de fer : que cela vous plaise ou non, il se fera. Et si vous vous mettez à le combattre, vous vous attirerez des ennuis. La loi autorise ces hommes à venir ici, dans le pays. Le propriétaire n’a rien à y redire, et si vous vous en mêlez contre eux, vous aurez à faire avec le constable, et la justice, et les menottes, et les prisons de Middlemarch. Et vous pourriez être mis dedans à l’heure qu’il est, si l’on portait plainte.

Puis, après une courte pause :

— Mais, allons, vous ne leur vouliez pas de mal ! Quelqu’un vous a dit que le chemin de fer était une mauvaise chose. C’est un mensonge. Il peut faire un petit bout de dommage par-ci par-là, à ceci et à cela, tout comme le soleil du ciel. Mais le chemin de fer est une bonne chose.

— Oui-da, bonne pour les gens riches, pour s’en faire de l’argent, dit le vieux Timothée Cooper qui était resté en arrière à retourner son foin, tandis que les autres allaient à leur équipée. J’en ai vu naître un tas, de choses nouvelles, depuis que j’étais un petit gars, la guerre et puis la paix, et les canaux, et l’vieux roi George, et le régent, et le nouveau roi George, et puis le nouveau qui a aussi pris un nom nouveau, et tout ça, ça n’a rien changé pour le pauvre diable. Qu’est-ce que les canaux lui ont fait ? Ils ne lui ont rapporté ni viande ni lard. Depuis que j’étais p’tit gars, les temps ne sont devenus que plus durs pour le pauvre. Et ça ira de même avec les chemins de fer. Ils ne feront qu’enfoncer le pauvre diable encore davantage. Mais c’est folie que de s’en mêler, et je l’ai bien dit à ces compagnons-là.