Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/155

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plaisir, le puis-je ? Fred sentait que c’était faire sa cour à Mary que d’aider son père.

— Oh ! mais il ne faut pas craindre de se baisser et de se donner chaud.

— Je n’ai pas peur. Seulement je voudrais aller d’abord régler un compte avec ce gros individu qui s’est retourné pour me défier. Ce serait une bonne leçon pour lui. Je serai revenu avant cinq minutes.

— Sottise ! dit Caleb de son ton le plus péremptoire. J’irai parler moi-même à ces gens. C’est de l’ignorance, tout cela. Quelqu’un aura été leur raconter des mensonges. Les pauvres fous n’en savent pas plus long.

— J’irai avec vous, alors, dit Fred.

— Non, non, restez où vous êtes. Je n’ai pas besoin de votre jeune sang. Je puis prendre soin de moi-même.

Caleb était un homme vigoureux et ne connaissait guère d’autre espèce de crainte que la crainte de blesser les autres, et celle d’avoir à discourir. Mais il comprenait qu’il était de son devoir en ce moment d’essayer une petite harangue. Il y avait en lui, à l’égard des travailleurs, un mélange frappant, — qui tenait à ce qu’il avait toujours été lui-même un zélé travailleur, — de principes rigoureux et d’indulgence pratique. Il considérait que faire le travail d’une journée et le bien faire devait être une partie de leur bonheur, par la raison que c’était la partie principale de son bonheur à lui ; mais il avait pour eux un sentiment profond de confraternité. Il alla à eux une main dans sa poche, l’autre entre les boutons de son gilet, avec sa douce physionomie de tous les jours.

— Eh bien, mes garçons, comment cela se fait-il ? commença-t-il, se servant comme de coutume de phrases brèves, qui lui semblaient surabondantes à lui-même, par la multitude de pensées qu’il y cachait. Comment avez-vous fait pour commettre une telle sottise ? Quelqu’un a été vous