Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/175

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tification nécessaire et la conscience d’avoir été un peu trop loin.

Fred prit son chapeau et sa canne et se leva vivement :

— Alors vous pensez que je suis un obstacle dans son chemin comme dans celui de Mary ?

Mistress Garth ne put répondre tout de suite. Elle s’était mise dans la situation désagréable d’être appelée à dire ce qu’elle sentait réellement et ce qu’elle avait de fortes raisons de taire, et la conscience d’avoir été trop loin dans ses paroles l’humiliait particulièrement. Fred avait, de son côté, révélé une impétuosité inattendue

— M. Garth semblait heureux, ajouta-t-il, de l’attachement de Mary pour moi. Il ne savait sans doute rien de tout cela.

Mistress Garth éprouva, en entendant nommer son mari, un tressaillement douloureux, la crainte que Caleb la trouvât dans son tort n’étant pas bien aisée à supporter. Désirant empêcher des conséquences qu’elle n’avait pas prévues, elle répondit :

— Je ne parlais que par supposition. Je ne crois pas que Mary sache rien de cette affaire.

Mais, n’ayant pas l’habitude de reculer de cette façon, elle hésita à lui demander de garder un silence absolu sur un sujet qu’elle avait amené elle-même sans nécessité et pendant qu’elle hésitait, les démêlés de Ben, du petit chien Brownie, du poussin et du plateau à thé la rappelèrent du côté du pommier, mettant fin à son tête-à-tête avec Fred. Celui-ci s’empressa de partir et mistress Garth ne put lui témoigner de regret de sa sévérité qu’en lui disant : « Dieu vous bénisse ! » et lui serrant la main.

Fred emportait de l’entretien, tout on s’avançant sur la route de Lowick, une vive impression. C’était un rude coup pour sa nature légère et avantageuse de se dire que, s’il ne s’était pas trouvé là comme un obstacle dans sa vie,