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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/189

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mari. Lydgate était surpris et troublé que l’affection ne la fît pas céder, pas plus dans une circonstance sérieuse comme celle de la promenade à cheval, qu’à propos de beaucoup de choses insignifiantes. Il ne doutait pas de l’existence de l’affection et il ne pensait pas avoir jamais rien fait qui pût l’éloigner. Pour sa part, il se disait à lui-même qu’il l’aimait aussi tendrement que jamais et qu’il pouvait bien prendre son parti de ses imperfections. Mais, hélas ! Lydgate avait de grands soucis et il voyait entrer dans sa vie des éléments nouveaux, aussi funestes pour lui que le contact d’une eau fangeuse pour une créature habituée à respirer, à se baigner et à poursuivre sa proie brillante dans les ondes les plus pures.

Rosemonde se retrouva bientôt assise à sa table à ouvrage, plus ravissante que jamais, faisant des promenades dans le phaéton de son père et songeant qu’elle ne tarderait pas à être invitée à Quallingham. Elle savait qu’elle serait dans le salon du baronnet un ornement beaucoup plus charmant qu’aucune autre fille de la maison, et en réfléchissant que les hommes s’en apercevraient aussi, elle ne considérait peut-être pas assez que les dames pourraient désirer moins vivement de se voir éclipsées.

Lydgate, n’étant plus inquiet de sa femme, retomba dans ce qu’elle appelait son humeur mélancolique. Elle entendait par là sa préoccupation inquiète à propos de choses tout à fait en dehors d’elle, et aussi cette expression soucieuse du front, et ce dégoût de toutes les choses ordinaires de la vie, comme si elles étaient mêlées d’herbes amères, qui étaient vraiment comme un baromètre indiquant les contrariétés et les pressentiments de Lydgate. Cet état d’esprit avait une cause entre autres qu’il avait généreusement, mais à tort, évité de confier à Rosemonde de peur de nuire à sa santé et à son humeur. Le fait est qu’entre elle et lui existait une ignorance totale de leurs directions d’esprit réciproques, ce