Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/214

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— Qui avez-vous donc raccroché là, Bam ? murmura M. Horrock

— Demandez-le-lui vous-même, repartit M. Bambridge. Il dit qu’il vient d’entrer ici en passant sur la route.

M. Horrock examina l’étranger qui s’appuyait d’une main en arrière sur sa canne, tenait son cure-dents de l’autre et regardait tout autour de lui avec une espèce d’inquiétude provoquée apparemment par le silence que les circonstances lui imposaient.

Enfin, on apporta le Repas à Emmaüs, à l’immense soulagement de Will, car il commençait à être si fatigué de tout le mouvement de cette vente qu’il s’était retiré un peu à l’écart, le dos appuyé au mur, juste derrière le commissaire-priseur. Au moment où il se rapprochait de la table, il aperçut le curieux étranger qui, à sa grande surprise, tenait les yeux fixés sur lui d’une façon marquée. Mais il se vit aussitôt interpellé par M. Trumbull qui en appelait à son jugement.

— Oui, monsieur Ladislaw, oui, cela vous intéresse en votre qualité de connaissure, n’est-ce pas ? Il y a du plaisir, continua le commissaire avec une ferveur croissante, à pouvoir montrer un tableau comme celui-ci à une société de dames et de gentlemen, un tableau qui vaudrait n’importe quelle somme pour celui dont les moyens seraient en rapport avec les connaissances. C’est une peinture de l’école italienne, du célèbre Guide, le plus grand peintre du monde, le premier des anciens maîtres. Permettez-moi de vous le dire, messieurs, j’ai vu beaucoup de tableaux des anciens maîtres, et ils sont bien loin d’avoir la valeur de celui-là ; les uns sont plus sombres qu’on ne voudrait, les autres ne représentent pas des sujets de famille. Mais voici un Guide dont le cadre seul vaut plusieurs livres, et que toute lady serait fière d’avoir chez elle. Ce tableau figurerait encore avec honneur dans ce que nous appelons un réfectoire, une institution de