Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charité, si l’un des gentlemen de la Corporation était jaloux de faire preuve de munificence. Faut-il le tourner de votre côté, monsieur ? oui ! — Joseph, tournez-le un peu du côté de M. Ladislaw. M. Ladislaw a été à l’étranger et il sait apprécier la valeur de ces œuvres-là, voyez-vous.

Tous les regards se tournèrent du côté de Ladislaw, qui dit froidement :

— Cinq livres !

Le commissaire-priseur éclata en vives représentations.

— Ah ! monsieur Ladislaw, le cadre seul les vaut. Mesdames et messieurs, pour l’honneur de la ville ! Supposez qu’on découvre un jour qu’un joyau de l’art s’est trouvé parmi nous, dans cette ville, et que personne à Middlemarch ne l’a reconnu, — cinq et sept shillings — et six pence — cinq guinées et dix shillings — Encore, mesdames, encore ! c’est un joyau qu’on a laissé aller à un prix nominal, dira-t-on, parce que le public ne s’y connaissait pas et parce qu’il a été présenté dans des cercles où régnaient… j’allais dire des sentiments bas, mais non ! — Six livres — six guinées — un Guide de premier ordre laissé pour six guinées, c’est une insulte à la religion, mesdames, — cela devrait nous toucher tous, messieurs, comme chrétiens, qu’un sujet pareil fût cédé à si vil prix — six livres dix shillings — sept livres.

Les enchères s’étaient animées et Will continua à y prendre part, se rappelant que mistress Bulstrode désirait vivement le tableau et pensant pouvoir aller jusqu’à douze livres. Mais il lui fut adjugé pour dix guinées, après quoi il se fraya un chemin vers le bow-window et disparut. Ayant très chaud et soif, il se décida à aller sous le kiosque demander un verre d’eau. Il n’y restait plus personne et il pria la femme de service de lui chercher un peu d’eau fraîche ; mais, à ce moment même, il eut l’ennui de voir revenir le florissant étranger qui l’avait dévisagé tout à l’heure. Rien