Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont forcés d’outrer les doses des sujets du roi — et c’est une trahison d’une vilaine espace, monsieur Mawmsey — cela mine fatalement la constitution.

M. Mawmsey n’était pas seulement commissaire des pauvres (son entrevue avec Lydgate se rapportait à ces fonctions), il était aussi asthmatique, et père d’une famille qui s’accroissait rapidement ; c’était donc, au point de vue médical, aussi bien qu’à ses propres yeux, un homme important, pour tout dire, un épicier exceptionnel, portant les cheveux dressés en pyramide élancée comme une flamme, dont les formes scrupuleusement respectueuses étaient du genre cordial, encourageant, plaisamment complimenteur, et s’abstenant prudemment de laisser sortir toute la pleine force de son esprit. C’était sur un ton de plaisanterie amicale que M. Mawmsey avait questionné Lydgate et que celui-ci naturellement lui avait répondu. Mais que les sages se défient d’une trop grande facilité à donner des explications : c’est, pour des calculateurs médiocres, multiplier les sources d’erreur, en allongeant l’addition.

Sans bien savoir de quels sujets du roi il pouvait être question, toutes les notions de l’épicier se trouvaient troublées. Pendant des années, il avait toujours payé des notes où se trouvaient exactement inscrits tous les articles en compte, de façon à être certain d’avoir bien reçu pour chaque demi-couronne, pour chaque pièce de dix-huit pence, quelque chose de mesurable. Il avait agi, en cela, en plein contentement de lui-même, sous sa responsabilité de mari et de père, et regardant une note plus longue qu’à l’ordinaire comme un surcroît de dignité. De plus, indépendamment des effets bienfaisants des drogues, en général, pour lui et sa famille, il avait goûté le plaisir de se former un jugement raisonné sur leur action immédiate, de façon à pouvoir donner un exposé intelligent de la méthode du docteur Gambit, — praticien d’un rang un