Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu inférieur à Wrench et à Toller, mais spécialement estimé comme accoucheur.

Il y avait là de plus profondes raisons que dans le langage superficiel d’un nouveau venu, langage qui fit plus piètre effet encore dans le salon au-dessus de la boutique, quand il le rapporta à mistress Mawmsey, celle-ci était habituée à ce qu’on eût pour elle la considération due à une mère féconde, — confiée généralement aux soins plus ou moins fréquents de M. Gambit, et prise occasionnellement de crises qui réclamaient le docteur Minchin.

— Ce monsieur Lydgate prétend-il dire que les médicaments ne servent à rien ? dit mistress Mawmsey, en traînant, suivant son habitude, légèrement ses paroles. Je voudrais bien qu’il me dise comment je pourrais me soutenir au moment de la foire, si je ne prenais, un mois à l’avance, des médecines fortifiantes. Pensez à tout ce que j’ai à faire pour attirer les chalands, ma chère (ici mistress Mawmsey s’adressa à une habituée de la maison qui était avec elle), un grand pâté de veau, un filet farci, un bœuf roulé, du jambon, de la langue, etc., etc. Mais ce qui me soutient le plus, c’est la drogue rose et pas la brune. Je m’étonne, monsieur Mawmsey, qu’avec votre expérience vous ayez eu la patience de l’écouter. Je lui aurais dit tout de suite que je m’y connaissais un peu mieux que cela.

— Non, non, non, dit M. Mawmsey. Je n’aurais pas été lui dire mon opinion. Entendre tout et juger pour soi-même, c’est ma devise. Mais il ne savait pas à qui il parlait. Je ne suis pas fait pour qu’il me retourne avec le doigt. Il y a souvent des gens qui prétendent m’instruire, quand ils pourraient tout aussi bien me dire : « Mawmsey, vous n’êtes qu’un imbécile ». Mais j’en souris : je flatte le faible de chacun. Si les médecines nous avaient fait du mal, à moi et à ma famille, j’aurais en le temps de m’en apercevoir, à l’heure qu’il est.