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savait pas. Il lui semblait que le monde devenait laid et haïssable et qu’elle n’y voyait pas de place pour la confiance de son cœur. « Ce n’est pas vrai ! ce n’est pas vrai ! » disait une voix intérieure qu’elle écoutait parler. Mais en même temps un souvenir, auquel s’était toujours rattachée une vague inquiétude, revenait obstinément s’imposer à son cœur le souvenir de ce jour où elle avait trouvé Will Ladislaw avec mistress Lydgate et où elle avait entendu le piano accompagner sa voix.

« Il disait qu’il ne ferait jamais rien que je pusse désapprouver, je voudrais lui avoir dit que je désapprouvais cela, se disait à elle-même la pauvre Dorothée, partagée entre un sentiment de colère contre Will et le besoin passionné de le défendre. Ils essayent tous de le noircir à mes yeux, mais je ne me plaindrai de rien, tant qu’il ne sera pas en faute. J’ai toujours eu confiance en lui. »

En s’apercevant que la voiture entrait sous la voûte de la Grange, elle porta vivement son mouchoir à son visage, et se mit à songer à ses commissions.

Le cocher demanda la permission d’aller faire réparer un fer à l’un de ses chevaux et Dorothée, ayant quelque temps à elle pour se reposer, ôta ses gants et son chapeau ; appuyée contre une statue dans le vestibule, elle resta à parler à la femme de charge.

— Mistress Kell, dit-elle enfin, j’ai une heure à passer ici. Je vais aller à la bibliothèque et y noter pour vous quelques instructions de la part de mon oncle. Voulez-vous bien m’ouvrir les volets ?

— Les volets sont ouverts, madame, dit mistress Kell en suivant Dorothée qui s’était avancée tout en parlant. M. Ladislaw y est venu pour chercher quelque chose.

Will était venu chercher un portefeuille rempli d’esquisses qu’il n’avait pas retrouvées au moment de quitter la Grange et qu’il ne se souciait pas de laisser derrière lui.