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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/240

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l’est pas moins, dit Dorothée avec une énergie où se sentait l’indignation, au moins y a-t-il là, j’en suis sûre, une fausse interprétation. Je ne puis souffrir qu’on dise du mal de M. Ladislaw, on n’a déjà été que trop injuste envers lui.

Quand Dorothée était profondément émue, elle était bien indifférente à ce qu’on pourrait penser de ses sentiments, et, en admettant qu’elle y eût réfléchi, elle aurait trouvé lâche, en entendant calomnier Will, de garder le silence par peur d’être elle-même mal comprise. Le sang lui était monté au visage et ses lèvres tremblaient.

Sir James, en la regardant, se repentit de son subterfuge, mais mistress Cadwallader, à la hauteur de toutes les circonstances, s’écria en levant les bras :

— Le ciel le veuille, ma chère ! Puissent toujours, veux-je dire, être faux tous les vilains rapports sur qui que ce soit ! Mais c’est une pitié que ce jeune Lydgate ait épousé une de ces filles de Middlemarch. Étant donné qu’il est le fils de quelqu’un, il aurait pu trouver une femme avec un bon sang dans les veines et pas trop jeune, qui se serait accommodée aux exigences de sa profession. Voilà, par exemple, Clara Harfager, dont les amis ne savent que faire et qui a une dot. Et puis, nous aurions pu la recevoir chez nous. Cependant, il ne sert à rien d’être sage pour les autres. Ou donc est Célia ? Rentrons, voulez-vous ?

— Moi, je pars pour Tipton, dit Dorothée avec quelque hauteur. Adieu !

Sir James ne trouva rien à lui dire en l’accompagnant jusqu’à sa voiture. Il était très mécontent du résultat d’un artifice qui lui avait causé à l’avance une certaine humiliation secrète.

Dorothée passa en voiture entre les haies couvertes de haies sauvages et les champs de blé moissonnés, ne voyant et n’entendant rien autour d’elle. Les larmes étaient venues à ses yeux et roulaient le long de ses joues, mais elle ne le