Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/243

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chapeau, avait été enlevé du même coup, et il voyait bien qu’elle venait de pleurer. Mais la colère qu’elle avait éprouvée d’abord dans son agitation s’était dissipée à la vue de Ladislaw. Elle s’était habituée, dès qu’ils se trouvaient vis-à-vis l’un de l’autre, à ressentir toujours cette confiance et cette heureuse liberté du cœur qui viennent d’une mutuelle sympathie ; et comment les paroles des autres auraient-elles pu changer cela tout d’un coup ? Laissons résonner encore une fois la musique qui a le pouvoir de s’emparer de notre être, et de remplir pour nous l’atmosphère de joie, et qu’importe que d’autres la critiquent, au moment où nous allons cesser de l’entendre ?

— J’ai envoyé aujourd’hui une lettre à Lowick-Manor vous demandant la permission de vous voir, commença Will, s’asseyant en face d’elle. Je suis à la veille de partir, et je ne pouvais m’en aller sans vous parler encore une fois.

— Je croyais que nous nous étions définitivement quittés quand vous êtes venu à Lowick, il y a déjà bien des semaines. Vous comptiez partir tout de suite, dit Dorothée, la voix un peu tremblante.

— Oui, mais alors j’ignorais des choses que j’ai apprises depuis, des choses qui ont changé mes sentiments pour l’avenir. Lorsque je vous vis alors, je rêvais de pouvoir revenir un jour. Je ne crois pas maintenant que je le puisse jamais.

Will s’arrêta.

— Et vous désirez me dire pourquoi ? demanda Dorothée timidement.

— Oui, dit Will impétueusement, rejetant la tête en arrière et se détournant d’elle, le visage empourpré d’une colère subite. Je dois certainement le désirer. J’ai été grossièrement insulté à vos yeux et à d’autres yeux encore. Une basse imputation a attaqué mon honneur. Je veux que vous sachiez que dans aucune circonstance je ne me suis abaissé…