Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/247

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obstacle que l’acte injurieux que son mari avait jeté entre eux.

Dorothée restait silencieuse, les yeux baissés dans une triste rêverie tandis qu’une multitude d’images s’amoncelaient autour d’elle, lui laissant la certitude douloureuse que Will faisait allusion à Rosemonde. Mais pourquoi douloureuse ? Il voulait sans doute lui faire comprendre que de ce côté aussi sa conduite serait au-dessus de tout soupçon.

Will ne fut pas surpris de son silence. Il était en proie, lui aussi, tout en la considérant, à de tumultueuses émotions, et il sentait d’une façon presque sauvage qu’un miracle seul pouvait maintenant empêcher leur séparation. Avait-elle, après tout, de l’amour pour lui ? Eût-il préféré, sans se mentir à lui-même, lui en savoir la douleur épargnée ? Il ne pouvait nier qu’au fond de toutes ses paroles était le secret désir de recevoir d’elle l’assurance qu’elle l’aimait.

Ils ne surent ni l’un ni l’autre combien de temps ils restèrent ainsi. Dorothée levait les yeux et allait parler quand la porte s’ouvrit. Son groom fit quelques pas et lui dit :

— Les chevaux sont prêts, madame, quand il vous conviendra de partir.

— Tout de suite.

Puis se tournant vers Will, Dorothée ajouta :

— J’ai encore quelques ordres à donner à la femme de charge.

— Et moi je vais partir, dit Will quand la porte se fut refermée ; et, se tournant vers elle : Après-demain j’aurai quitté Middlemarch.

— Vous avez bien agi de toutes façons, dit Dorothée d’une voix basse, se sentant comme un poids sur le cœur qui lui rendait la parole difficile.

Elle lui tendit la main et Will la serra un instant sans parler, car les derniers mots de Dorothée lui avaient semblé