Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/287

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famille me saigne jusqu’au dernier penny. Avec deux fils cadets et trois filles, je ne puis guère avoir d’argent de reste. Vous me paraissez avoir épuisé le vôtre bien rapidement et vous être mis dans une fâcheuse situation. Plus tôt vous vous en irez ailleurs, mieux cela vaudra. Mais n’ayant pas de rapports avec les hommes de votre profession, je ne puis de ce côté vous aider en rien. Comme tuteur, j’ai fait de mon mieux pour vous et vous ai laissé agir à votre guise en ne m’opposant pas à la carrière que vous avez choisie. Vous auriez pu entrer dans l’armée ou dans l’Église. Votre fortune aurait suffi pour cela et vous auriez eu devant vous une perspective d’avancement plus sûre. Votre oncle Charles vous a gardé rancune de n’avoir pas fait comme lui, mais non pas moi. J’ai toujours souhaité votre bien, mais vous devez vous considérer aujourd’hui comme absolument sur vos jambes.

» Votre oncle affectionné,
» Godwin Lydgate. »


Quand Rosemonde eut achevé la lecture, elle resta assise, immobile, les mains croisées sur ses genoux, s’efforçant de ne rien laisser voir de son vif désappointement, et se renfermant dans une sorte de passive tranquillité devant la colère de son mari. Lydgate s’arrêta dans ses mouvements agités, la regarda de nouveau et dit avec une sévérité amère :

— Cela suffira-t-il pour vous convaincre du mal que vous venez de me faite par votre intervention secrète ? Avez-vous assez de raison pour reconnaître maintenant votre incompétence à juger et à agir pour moi, à intervenir avec votre ignorance dans des affaires qu’il m’appartient de décider ?

Ces paroles étaient dures. Mais ce n’était pas la première