Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/296

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considérées à un point de vue qui n’était pas absolument correct. Il n’était pas allé à la chasse une seule fois durant cette saison, faute de cheval à lui appartenant ; par contre il était allé un peu de tous les côtes, la plupart du temps avec M. Garth dans son cabriolet ou sur le paisible bidet que Caleb pouvait lui prêter.

Fred commençait à trouver que c’était un peu trop, vraiment, d’être ainsi tenu en bride avec plus de sévérité que s’il eût été clergyman. « Oui, miss Mary, vous saurez que c’est un travail presque plus dur d’apprendre à arpenter et à tracer des plans que d’écrire des sermons, lui avait-il dit, désirant lui faire apprécier ce qu’il endurait pour l’amour d’elle. Qu’était-ce qu’Hercule et Thésée, comparés à moi ? Ils faisaient du sport, et ils n’ont jamais eu besoin d’apprendre à écrire comme des teneurs de livres. » Et maintenant que Mary était pour quelque temps éloignée de lui, Fred, comme un gros chien qui ne peut se défaire de son collier, avait brisé l’anneau de sa chaîne et fait une petite escapade sans avoir d’ailleurs l’intention d’aller très vite ni très loin. Il n’y avait pas de raison pour ne pas jouer au billard, mais il était bien décidé à ne pas parier.

Fred avait pour le quart d’heure l’héroïque dessein de mettre de côté la plus grosse partie des quatre-vingts livres que M. Garth lui avait offertes, afin de s’acquitter rapidement de la vieille dette des quatre-vingt-dix livres qu’il avait si malheureusement fait perdre à mistress Garth, à une époque où elle en avait plus besoin qu’aujourd’hui. Ce soir-là pourtant, le cinquième de ses nouvelles visites au Dragon Vert, Fred avait, sinon dans sa poche, du moins en imagination, les dix livres qu’il comptait se réserver pour lui-même de ses appointements de la dernière année ; c’était comme un fonds dont il pourrait risquer quelque chose s’il voyait s’offrir la chance d’un bon pari. Pourquoi pas ? et pourquoi, au milieu de tout ce va-et-vient de souverains autour de soi, n’en