Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/312

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voix, mais avec quelque chose de saccadé dans le débit qui montrait qu’il parlait à contre-cœur. Je n’ai pas dans ma vie de but plus élevé que ma profession même, et j’avais identifié l’hôpital avec le meilleur usage que je puisse faire quant à présent de ma profession. Malheureusement le meilleur usage ne s’accorde pas toujours avec les meilleurs profits. Tout ce qui a rendu l’hôpital impopulaire a contribué, avec d’autres causes (je crois qu’elles se rapportent toutes à mon zèle professionnel), à me rendre impopulaire en tant que praticien. Les malades que j’acquiers sont en grande partie des gens qui ne peuvent pas me payer. Je les préférerais aux autres, si je n’avais personne à payer pour mon compte.

Lydgate attendit un instant, mais Bulstrode s’inclina seulement, le regardant d’un œil fixe, et il continua du même ton rapide et saccadé :

— Je suis tombé dans des embarras d’argent dont je ne puis voir le moyen de sortir, à moins que quelqu’un, ayant confiance en moi et en mon avenir, ne me fasse l’avance d’une certaine somme sans autre garantie. Il ne me restait que très peu de chose quand je suis venu ici. Je n’ai pas d’espérances de fortune du côté de ma famille. Les dépenses que j’ai faites, par suite de mon mariage, ont de beaucoup dépassé mes prévisions. Le résultat, c’est qu’à présent il faudrait un millier de livres pour me sortir de là ; je veux dire, pour me délivrer du risque de voir tout ce que je possède vendu, en garantie de la plus forte de mes dettes, aussi bien que pour payer les autres, et nous laisser une petite avance qui nous permette de vivre sur notre modeste revenu. Il m’est impossible de m’adresser à mon beau-père pour une telle avance. C’est pourquoi j’expose ouvertement ma situation au seul homme, à son défaut, que je puisse regarder comme ayant quelque rapport personnel avec ma prospérité ou ma ruine.