Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/328

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La colère de Caleb s’éveilla et il s’écria avec indignation :

— Pourquoi l’aurais-je dit, si je ne le pensais pas ? Je n’ai pas de raisons de vous craindre. Des récits comme ceux-là ne tentent jamais ma langue.

— Excusez-moi, je suis tout troublé, je suis la victime de ce misérable.

— Arrêtez ici. Demandez-vous plutôt si vous n’avez pas contribué à le rendre pire, alors que vous avez profité de ses vices.

— Vous me faites tort en croyant trop facilement à ses paroles, dit Bulstrode oppressé, comme par un cauchemar, de l’impuissance où il était de nier absolument ce que Raffles pouvait avoir dit. Toutefois, le fait, que Caleb ne le lui avait pas exposé de façon à exiger de lui une négation catégorique, lui laissait encore un moyen d’échapper.

— Non, dit Caleb levant la main comme pour repousser une pareille imputation. Je suis prêt à croire le mieux, si ce mieux est prouvé. Je ne vous enlève aucune chance favorable. Quant à parler, je considère comme un crime de dévouer la faute d’un homme, à moins d’être assuré qu’il le faille pour sauver l’innocent. Voilà ma façon de penser, monsieur Bulstrode, et ce que je dis, je n’ai pas besoin de le jurer. Je vous souhaite le bonjour.

Quelques heures plus tard, quand il fut de retour chez lui, Caleb dit à sa femme incidemment qu’il avait eu quelques petites difficultés avec Bulstrode, et qu’en conséquence il avait renoncé à toute idée de pendre Stone-Court, ayant même refusé de s’occuper plus longtemps de ses affaires.

— Il voulait sans doute trop se mêler de tout, n’est-ce pas ? dit mistress Garth, s’imaginant que son mari avait été touché au point sensible et qu’on n’avait pas voulu lui laisser faire ce qu’il trouvait bien dans ses travaux.

— Oh ! fit Caleb, inclinant la tête et agitant gravement la