Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/329

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main. Et mistress Garth savait que cela signifiait qu’il n’avait pas l’intention d’en dire plus long sur un sujet.

Quant à Bulstrode, il était presque aussitôt monté à cheval et parti pour Stone-Court, anxieux d’y arriver avant Lydgate. Il avait l’esprit peuplé d’images et de conjectures qui étaient le langage de ses espérances et de ses craintes.

La connaissance que Caleb Garth avait de son passé et son refus de rester sous sa direction avaient été pour lui une profonde humiliation ; à cette humiliation toutefois se mêlait un sentiment de sécurité par ce fait, que c’était à Garth et à Garth seul que Raffles eût parlé. Il interprétait cette circonstance comme un gage que la Providence voulait lui épargner des conséquences plus graves ; il pouvait encore espérer le secret. Raffles malade amené à Stone-Court plutôt qu’ailleurs : le cœur de Bulstrode s’agitait à la vue des éventualités que ces événements évoquaient. Que les choses tournassent de façon à le mettre à l’abri de tout péril de déshonneur, à le laisser respirer en parfaite liberté, sa vie désormais serait consacrée à Dieu plus qu’elle ne l’avait jamais été. Il élevait ce vœu vers le ciel, comme s’il devait amener le résultat auquel il aspirait, il s’efforçait de croire au pouvoir de cette pieuse résolution, à son pouvoir d’agir sur la mort même. Il savait qu’il devait dire : « Ta volonté soit faite ! » et il le répétait souvent. Mais son désir intense restait toujours, que la volonté de Dieu fût la mort de cet homme détesté.

Cependant, lorsqu’il fut arrivé à Stone-Court, il ne put voir le changement qui s’était opéré chez Raffles sans en éprouver une violente secousse. N’eût été sa pâleur et sa faiblesse, Bulstrode n’aurait attribué ce changement qu’au seul désordre de son cerveau. Au lieu de son humeur bruyante et tracassière, il montrait une terreur profonde et mal définie, il semblait vouloir détourner la colère de Bulstrode en disant qu’il n’avait plus d’argent, on lui avait volé la moitié de ce qu’il possédait. Il n’était venu que parce