Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/382

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bout, et aucun de ses actes ne montrerait qu’il eût peur. Ce fut par générosité de nature aussi bien que par énergie de défi qu’il résolut alors de ne pas craindre de montrer dans sa plénitude son sentiment de reconnaissance envers Bulstrode. Il était vrai que son association avec cet homme lui avait été fatale ; il était vrai que, s’il eût eu encore entre les mains les mille livres du banquier, avec toutes ses dettes impayées devant lui, il eût rendu l’argent à Bulstrode et accepté la misère plutôt que ce secours entaché du soupçon de corruption (car, ne l’oubliez pas, il était un des plus orgueilleux parmi les fils des hommes) ; mais malgré tout, il ne se détournerait pas, après en avoir reçu un service, de son semblable, accablé ; il ne ferait pas le plus misérable effort pour chercher son salut, en hurlant contre un autre. « Je ferai ce que je croirai bien et je n’expliquerai ma conduite à personne. On essayera de me réduire par la famine, mais… » et il poursuivait sa route avec une opiniâtre résolution. Cependant il approchait de la maison, et la pensée de Rosemonde s’imposa de nouveau, dans son cœur, à cette place, dont l’avaient chassé les luttes poignantes de l’honneur et de l’orgueil blessé.

Comment Rosemonde prendrait-elle tout cela ? De ce côté aussi il y avait une lourde chaîne à porter, et le pauvre Lydgate était dans une mauvaise disposition pour se soumettre à la domination muette de sa femme. Il n’éprouvait pas le besoin de lui confier le souci qui devait bientôt leur devenir commun à tous deux. Il aimait mieux attendre des événements la révélation accidentelle dont ils ne tarderaient pas à se charger.