Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/390

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plaît : j’aime à savoir la vérité. Est-il arrivé quelque chose à M. Bulstrode ?

— Un petit ébranlement nerveux, répondit Lydgate évasivement.

Il sentait que ce n’était pas à lui à faire la pénible révélation.

— Mais quelle en est la cause ? demanda mistress Bulstrode, le regardant en face, de ses grands yeux noirs.

— Il y a souvent quelque chose de malsain dans l’air des salles publiques, dit Lydgate. Les hommes forts peuvent le supporter, mais ceux dont l’organisme est plus délicat en sont affectés. Il est souvent impossible d’expliquer le moment précis d’une crise, ou plutôt de dire pourquoi les forces fléchissent à un moment plutôt qu’à un autre.

Cette réponse ne satisfit pas mistress Bulstrode. Elle demeura convaincue qu’il était arrivé à son mari un malheur qu’on voulait lui laisser ignorer, et il était dans sa nature de vouloir énergiquement sortir d’un tel mystère. Elle demanda pour ses filles la permission de tenir compagnie à leur père, et se rendit à la ville en voiture pour faire quelques visites, avec l’idée, si on avait connaissance d’un incident fâcheux dans les affaires de M. Bulstrode, d’en recueillir quelques indices dans ce qu’elle verrait ou entendrait.

Elle passa chez mistress Thesiger qui était sortie, puis se rendit chez mistress Hackbutt, de l’autre côté du cimetière. Mistress Hackbutt, d’une fenêtre d’en haut, la vit venir, et se rappelant sa première alarme à l’idée de rencontrer mistress Bulstrode, se sentit en conséquence presque tenue de faire dire qu’elle n’était pas chez elle ; mais, comme d’autre part elle avait aussi un vif désir de goûter le piquant d’une entrevue, dans laquelle elle était tout à fait décidée à ne pas faire la plus légère allusion à ce qu’elle avait en tête, on fit entrer mistress Bulstrode au salon, et mistress Hackbutt vint à elle en pinçant les lèvres et en se frottant les