Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/389

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de ces contrastes, par le mélange de chagrins et de satisfactions qu’elle avait éprouvés dans ces derniers événements, bien faits pour humilier sans doute ceux qui avaient besoin d’humiliation, mais aussi pour peser lourdement sur la vieille amie, dont elle eût préféré que les erreurs continuassent à se détacher sur un fond de prospérité.

La pauvre mistress Bulstrode n’avait pas ressenti à l’approche de la calamité de secousse particulière, sinon un mouvement plus actif de cette inquiétude secrète qui était toujours demeurée présente dans son cœur depuis la dernière visite de Raffles aux Bosquets. Que cet odieux personnage fût arrivé malade à Stone-Court et que son mari eût voulu y rester pour le soigner, elle en trouvait une explication suffisante dans ce fait qu’il avait déjà employé et secouru Raffles dans des temps plus anciens, et que cela créait de l’un envers l’autre, dans son état de dégradation, un lien de charité ; depuis lors, elle s’était innocemment réjouie des propos plus encourageants de son mari sur sa santé, sur la force qu’il se sentait de continuer à s’occuper de ses affaires. Ce calme fut troublé du jour où Lydgate lui ramena de la réunion le banquier malade, et, en dépit de son langage rassurant, pendant les quelques jours suivante, elle pleura en secret, avec la conviction que son mari ne souffrait pas seulement d’un mal physique mais de quelque affliction morale. Il ne voulait pas lui permettre de lui faire la lecture, à peine de lui tenir compagnie, alléguant une susceptibilité nerveuse pour tout bruit, toute agitation ; mais elle soupçonnait qu’en s’enfermant dans son cabinet, c’était pour s’occuper de ses papiers. Il était arrivé quelque chose, elle le sentait sûrement. Peut-être quelque grosse perte d’argent ? N’osant pas questionner son mari, elle s’adressa à Lydgate, le cinquième jour après la réunion, depuis laquelle elle n’était sortie que pour aller à l’église.

— Monsieur Lydgate, soyez franc avec moi, s’il vous