Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/425

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depuis qu’elle s’était décidée à aller voir mistress Lydgate, l’image de Rosemonde se détachait sur cet arrière-plan habituel de ses préoccupations, sans que rien gênât l’élan de sa compassion et de son intérêt. Il y avait, à n’en pas douter, quelque séparation morale, quelque barrière empêchant une confiance absolue entre cette épouse et ce mari qui s’était cependant fait une loi du bonheur de sa femme. C’était là un chagrin auquel nulle tierce personne ne pouvait directement toucher. Mais Dorothée songeait avec une profonde pitié à la solitude dans laquelle avait dû être laissée Rosemonde depuis les soupçons dont son mari avait été victime ; il lui serait doux certainement de voir qu’il existait encore du respect pour Lydgate et de la sympathie pour elle.

« Je lui parlerai de son mari, » se disait Dorothée comme sa voiture l’emportait vers la ville. La claire matinée de printemps, la senteur de la terre humide, les feuilles fraîches entr’ouvrant leurs gaines juste assez pour laisser pointer leurs trésors de verdure encore enroulés en plis serrés, tout semblait faire partie de l’heureuse impression qu’elle emportait d’une longue conversation avec M. Farebrother ; le vicaire avait accueilli avec joie la justification de la conduite de Lydgate. « Je porterai de bonnes nouvelles à mistress Lydgate, et peut-être aimera-t-elle à causer avec moi et à me prendre pour amie. »

Dorothée avait une autre course à faire dans Lowick-Gate elle voulait une jolie cloche neuve pour la maison d’école ; et comme elle était descendue de voiture très près de chez Lydgate, elle traversa la rue à pied pour se rendre chez lui. La porte de la rue était ouverte et la servante profitait de la circonstance pour examiner la voiture arrêtée à quelques pas lorsqu’elle vit venir elle « la dame de la voiture ».

— Mistress Lydgate est-elle chez elle ? demanda Dorothée.

— Je n’en suis pas sûre, milady ; je vais aller voir, si vous voulez vous donner la peine d’entrer, dit Marthe un peu