Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/439

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— Oh ! si c’est an cadeau de M. Ladislaw ! dit le vicaire d’un ton profondément pénétré, en se levant et se mettant à chercher.

La boîte fut enfin retrouvée sous un chiffonnier, et miss Noble s’en empara toute joyeuse en remarquant :

— Elle était sous le garde-feu, la dernière fois.

— C’est une affaire de cœur, pour ma tante, dit M. Farebrother, souriant à Dorothée, tout en se rasseyant.

— Quand Henriette Noble se met à aimer quelqu’un, mistress Casaubon, affirma avec énergie la mère du vicaire, elle est comme un chien. Elle prendrait ses souliers pour oreiller et n’en dormirait que mieux.

— Les souliers de M. Ladislaw, oui, certes, je les prendrais, dit Henriette Noble.

Dorothée fit effort pour sourire à son tour. Elle s’apercevait avec autant de surprise que de peine que son cœur battait violemment et qu’elle chercherait vainement à recouvrer son animation de tout à l’heure. Alarmée pour elle-même, craignant de trahir davantage un changement dont la cause était si visible, elle se leva et dit d’une voix basse, avec une inquiétude mal déguisée :

— Permettez-moi de me retirer, je me sens très fatiguée.

M. Farebrother, prompt à tout saisir, se leva en même temps.

— C’est vrai, dit-il, vous avez dû vous épuiser à parler pour Lydgate. C’est un genre de travail qui accable, une fois l’excitation passée.

Il lui offrit le bras pour la ramener au manoir, mais Dorothée n’essaya pas de parler, même quand il lui souhaita le bonsoir.

La limite de la résistance était atteinte, et Dorothée était retombée impuissante sous l’inévitable griffe de la douleur. Congédiant Tantripp en peu de paroles, elle ferma sa porte à clef et, se retournant vers son appartement solitaire, se