Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/459

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CHAPITRE XI


Les exilés se nourrissent surtout d’espérances, et on ne les voit guère rester en exil sans y être contraints. Quand Will Ladislaw avait quitté Middlemarch, il n’existait pas à son retour de plus puissant obstacle que celui de sa résolution, et celle-ci n’était en aucune façon une barrière de fer, mais simplement un état d’esprit, susceptible de se fondre comme en une figure de menuet avec d’autres états d’esprit, et de se trouver un jour saluant, souriant, et cédant le pas avec grâce. Les mois s’écoulant, il lui avait semblé de plus en plus difficile de dire pourquoi il ne ferait pas une petite apparition à Middlemarch, uniquement pour l’amour d’apprendre quelque chose de Dorothée ; et si, dans cette courte visite de passage, le hasard la lui faisait rencontrer, il n’y avait pas de raison pour rougir d’avoir fait un innocent voyage. Puisqu’il était séparé d’elle sans espoir, il pouvait s’aventurer en toute sûreté dans son voisinage ; et quant aux dragons soupçonneux qui faisaient la garde autour d’elle, le temps et le changement d’air diminuaient de plus en plus l’importance de leur opinion.

Une raison était survenue d’ailleurs, tout à fait indépendante de Dorothée, qui semblait faire d’une visite à Middlemarch une sorte de devoir philanthropique. Will s’était occupé, à un point de vue absolument désintéressé, d’un projet d’établissement colonial d’après un système nouveau, dans le Far-West, et en raison des fonds nécessaires à l’accomplissement d’une idée utile, il se demandait s’il n’y aurait pas un louable usage à faire de ses droits sur Bulstrode, en l’obligeant à consacrer l’argent qu’il lui avait offert