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CHAPITRE XII


Le surlendemain de sa visite à Rosemonde, Dorothée, reposée par deux nuits de bon sommeil, non seulement ne se sentait plus trace de fatigue, mais comme un surcroît d’énergie inaccoutumé, plus de forces qu’elle ne pouvait arriver à en concentrer sur une occupation quelconque. Elle avait fait la veille deux longues promenades en dehors de la propriété et deux visites au presbytère ; mais de toute sa vie, elle ne révéla jamais à personne le secret de cette inutile et enfantine agitation. Elle s’en voulait presque à elle-même, et elle résolut d’employer sa journée d’une façon toute différente.

Au village il n’y avait rien à faire. Tout le monde y était en bon état, chacun avait de la flanelle ; il n’était mort de cochon à personne, et on était au samedi matin, le jour du lavage général des planchers et des escaliers extérieurs et où il était inutile d’aller à l’école.

Elle décida alors de se jeter énergiquement dans la plus grave de toutes les études qui excitassent son désir de s’instruire. Elle s’assit dans la bibliothèque, devant ses livres, à elle, des livres traitant d’économie politique et de sujets analogues, ou elle s’efforçait de s’éclairer de son mieux sur la meilleure manière de dépenser l’argent sans faire de tort à ses voisins ou, ce qui revient au même, en leur faisant le plus de bien possible. C’était là un grave sujet, de nature, si elle pouvait s’en bien pénétrer, à tenir certainement son esprit en bride ; son esprit, malheureusement, s’échappa pendant toute une heure, et au bout de ce temps elle s’aperçut que, s’il s’était fortement attaché à quelque chose, pen-