Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour la première fois en présence de Dorothée. Il n’avait plus peur maintenant de ce qu’elle pouvait éprouver. Il était heureux.

Ils restaient debout, silencieux, ne se regardant pas mais regardant les grands pins agités par le vent, qui montraient le pâle revers de leur feuillage sur le ciel assombri.

Will ne fut jamais si heureux de la perspective d’un orage qui le dispensait de se retirer. Des feuilles et de petites branches jonchaient le sol çà et là et le tonnerre se rapprochait. La lumière s’obscurcissait de plus en plus, un éclair vint qui les fit tressaillir et se regarder, et puis sourire.

— Pourquoi avez-vous dit qu’il ne vous serait plus rien resté à tenter ? C’était mal de votre part, dit Dorothée. Nous aurions perdu le premier de nos biens, qu’il nous resterait le bien des autres, qui vaut la peine qu’on s’y essaye. Il peut y avoir du bonheur pour quelques-uns. C’est quand j’étais le plus malheureuse que j’en ai eu la vision la plus distincte. Je puis à peine comprendre comment j’aurais pu supporter cette épreuve, si ce sentiment n’était venu me donner de la force.

— Vous n’avez jamais senti l’espèce de souffrance dont j’ai souffert, dit Will, la souffrance de croire que vous deviez me mépriser.

— Mais ce que j’ai senti était pire, c’était pire de mal penser de vous…

Dorothée avait commencé avec impétuosité, mais elle s’arrêta court.

Will rougit. Il avait le sentiment que tout ce qu’elle pouvait lui dire, lui était dicté par la pensée de la fatalité qui les séparait. Il resta un instant silencieux puis s’écria avec passion :

— Au moins devons-nous avoir la consolation de nous parler sans détour. Puisqu’il faut que je parte, puisqu’à