Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/472

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Dorothée s’assit sur le siège qui était le plus près d’elle, une longue ottomane basse placée au milieu de la chambre, et là, les mains croisées sur ses genoux, elle regarda la scène désolée du dehors. Will demeura immobile un instant à la contempler, puis s’assit à côté d’elle et posa sa main sur celles de Dorothée qui se livrèrent d’elles-mêmes à son étreinte.

Ils restèrent ainsi sans se regarder jusqu’à ce que la pluie diminuant commençât à tomber sans bruit. Ils avaient en eux, l’un et l’autre, un monde de pensées qu’ils ne savaient comment exprimer.

Mais quand la pluie fut apaisée, Dorothée se retourna pour regarder Will. Lui alors, avec un mouvement de passion, comme sous la menace de quelque instrument de torture, se leva brusquement et s’écria :

— C’est impossible !

Il alla de nouveau s’appuyer au dossier de la chaise, comme s’il soutenait une lutte contre lui-même, tandis qu’elle regardait tristement de son côté.

— C’est aussi abominable qu’un meurtre ou toute autre fatalité qui sépare les êtres, et c’est plus intolérable encore, de voir son existence mutilée pour de si misérables raisons.

— Non, ne dites pas cela. Votre vie ne doit pas être mutilée pour cela, dit Dorothée doucement.

— Si, elle le sera, s’écria Will avec colère. Vous êtes cruelle de parler ainsi, comme si je pouvais penser à une consolation. Vous pouvez voir au delà de cette souffrance-là, mais moi, je ne le peux pas. C’est de la dureté, c’est rejeter mon amour pour vous, comme s’il ne s’agissait que d’une bagatelle, que de parler de la sorte en présence du fait brutal. Jamais nous ne pourrons nous marier.

— Quelque jour, peut-être… dit Dorothée d’une voix tremblante.

— Quand ? fit Will amèrement, à quoi bon compter sur