Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/484

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de l’influence qu’elle pouvait exercer sur sa sœur par un mot à propos, comme en ouvrant une petite fenêtre pour laisser entrer la pleine lumière de son intelligence parmi les lampes étrangement colorées à travers lesquelles Dorothée voyait habituellement toutes choses. Et Célia, mère de famille, se sentait d’autant plus autorisée à conseiller une sœur sans enfants. Qui, en effet, pouvait comprendre Dodo aussi bien que Célia ou l’aimer aussi tendrement ?

Dorothée, occupée dans son boudoir, se sentit transportée de joie en voyant sa sœur, si tôt après la révélation du mariage projeté. Elle s’était représenté à l’avance, même avec exagération, la répugnance de ses amis, et elle avait craint que Célia elle-même ne voulût plus la voir.

— Oh ! Kitty ! Je suis ravie de te voir ! s’écria Dorothée posant ses mains sur les épaules de Célia et l’enveloppant de ses regards lumineux. J’étais presque sûre que tu ne viendrais pas à moi.

— Je n’ai pas amené Arthur, parce que j’étais très pressée, dit Célia, et elles s’assirent sur deux chaises basses, l’une en face de l’autre, leurs genoux se touchant.

— Tu sais, Dodo, c’est très mal ! commença Célia de son petit ton tranquille et saccadé, et ne paraissant aucunement fâchée. Tu nous as tous si fort déconcertés. Et je ne puis penser que cela arrivera jamais. Tu ne pourras jamais vivre de cette façon. Et puis, tous tes grands projets ! Tu n’as donc jamais songé à cela ? James se serait donné toutes les peines du monde pour toi, et tu aurais pu continuer toute ta vie à faire ce qui te plaisait.

— Au contraire, chérie, dit Dorothée. Je ne pouvais jamais rien faire de ce que je voulais. Je n’ai exécuté aucun de mes projets, jusqu’ici.

— Parce que tu voulais toujours des choses impossibles. Mais on aurait fait d’autres plans. Et comment peux-tu épouser M. Ladislaw, qu’aucun de nous n’avait jamais