Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/492

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gravement et en rapprochant sa tête de celle de son père : Si vous êtes content de Fred ?

Caleb releva un peu les coins de sa bouche et détourna prudemment la tête.

— Voyons, père, vous avez fait son éloge l’autre jour. Vous avez dit qu’il avait des connaissances remarquables en agriculture et de bons yeux pour tout voir.

— L’ai-je dit ? demanda Caleb un peu timidement.

— Oui, j’ai noté tout cela et la date, anno Domini, et tout, dit Mary. Vous aimez que les choses soient inscrites avec exactitude. Et puis, vraiment, il se conduit bien envers vous, père ; il a un profond respect pour vous, et il est impossible d’avoir meilleur caractère que Fred.

— Aïe ! aïe ! vous voulez m’amener, en me flattant, à voir en lui un bon parti.

— Non, certainement, père, si je l’aime ce n’est pas parce qu’il est un bon parti.

— Pourquoi donc, alors ?

— Oh ! mon Dieu, parce que je l’ai toujours aimé. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à gronder personne ; et c’est un point à considérer dans un mari.

— Votre résolution est donc tout à fait fixée, Mary ? Aucun autre désir n’est venu à la traverse depuis les dernières circonstances, et les choses étant ce qu’elles sont ? (Caleb en sous-entendait beaucoup dans cette phrase ambiguë) parce que mieux vaut tard que jamais. Il ne faut pas qu’une femme fasse violence à son cœur, elle ne serait en ce cas ni bonne ni utile à son mari.

— Mes sentiments n’ont pas changé, père, dit Mary avec calme. Je serai fidèle à Fred aussi longtemps qu’il me sera fidèle. Je ne crois pas qu’aucun de nous deux pourrait se passer de l’autre, ou aimer n’importe qui davantage, quelque admiration que nous ayons pour ce n’importe qui. Ce serait un trop grand changement pour nous, comme de