Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/493

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voir bouleverser tous les lieux connus et donner à toutes chose des noms nouveaux. Il faut que nous attendions longtemps encore, mais Fred le sait bien.

Au lieu de répondre tout de suite, Caleb se tint immobile et enfonça le bout de se canne dans l’allée herbeuse. Puis il reprit d’une voix où tremblait l’émotion :

— Eh bien ! j’ai un petit brin de nouvelles à vous apporter. Que diriez-vous de Fred allant se fixer à Stone-Court et exploitant le domaine-de là-bas ?

— Comment cela pourrait-il jamais être, père ? dit Mary stupéfaite.

— Il l’exploiterait pour sa tante Bulstrode. La pauvre femme est venue me prier et me supplier ; elle a à cœur de rendre service à ce garçon et cela pourrait être une belle affaire pour lui. En économisant, il pourrait petit à petit devenir propriétaire du matériel et du bétail, et il ne manque pas d’aptitude pour le fermage.

— Oh ! combien Fred serait heureux ! C’est trop beau pour y croire.

— Oh ! mais, faites attention, dit Caleb tournant la tête en façon d’avertissement, il faudra que je le prenne sur mes épaules ; aussi bien serai-je responsable de tout, et aurai-je à voir à tout, et cela chagrinera un peu votre mère, bien qu’elle ne le dise pas. Fred, lui aussi, aura une grosse tâche.

— C’est peut-être trop, père, dit Mary arrêtée soudain dans sa joie. Il n’y aurait pas de bonheur si ce devait être pour vous un surcroît de travail.

— Non, non, le travail est ma joie, mon enfant, quand cela ne contrarie pas votre mère. Et puis si vous et Fred vous vous mariez, — ici la voix de Caleb trembla imperceptiblement, — il sera sage et économe, et vous avez toutes les qualités de votre mère et les miennes aussi dans la mesure où elles conviennent à une femme, et vous le maintiendrez