Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/495

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celles qui n’ont rien de flatteur. Si nous ne pouvons pas nous marier dans deux ans, ce sera déjà assez déplaisant de s’avouer la vérité quand elle sera là.

— Je connais l’histoire d’un jeune homme qui avait une fois caressé de flatteuses espérances et qui s’en est mal trouvé.

— Mary, si vous n’avez rien que de décourageant à me dire, je m’en vais ; j’irai à la maison retrouver votre père. Je ne sais plus où j’en suis moi-même. Mon père est dévoré de soucis et notre maison ne se ressemble plus. Je ne pourrais supporter un surcroît de mauvaises nouvelles.

— Appelleriez-vous mauvaises nouvelles si on vous disait que vous irez vivre à Stone-Court pour y diriger la ferme, que vous vous distinguerez par votre sage conduite et que vous ferez des économies chaque année jusqu’à ce que tout le bétail et le matériel soient votre propriété, et que vous-même soyez devenu le type du fermier accompli, du fermier distingué, comme dit M. Borthrop Trumbull, plutôt du genre vigoureux, j’en ai peur, et votre grec et votre latin bien oubliés, par exemple ?

— Mais ce ne sont là que des absurdités, Mary ? dit Fred rougissant toutefois légèrement.

— C’est ce que mon père vient de me dire à l’instant comme une chose possible, et il ne dit jamais d’absurdités, répliqua Mary levant maintenant les yeux sur Fred tandis qu’il lui serrait la main à lui faire mal, tout en se promenant tous les deux ; mais elle ne pensa pas à se plaindre.

— Oh ! alors, vous verriez, Mary, quel brave garçon je pourrais être, et nous pourrions nous marier tout de suite.

— Pas si vite, monsieur ; comment savez-vous si je ne digérerais pas plus volontiers notre mariage de quelques années ? Cela vous laisserait le temps de vous mal conduire, et, si alors quelque autre venait, à me plaire mieux que vous, j’aurais une excuse pour vous planter là.