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remplir ses volontés ; mais seulement plus tard, dans la journée, pas tout de suite.

Dès qu’elle parut dans la bibliothèque, M. Casaubon, qui était près de la table où il avait arrangé des livres, se retourna et lui dit :

— J’attendais votre arrivée, ma chère. J’avais espéré me remettre sans retard au travail, ce matin ; mais je me sens légèrement indisposé, grâce, sans doute, à ma trop grande excitation d’hier. Je vais aller faire un tour dans le bosquet, l’air est plus doux maintenant.

— Je suis heureuse de vous voir un peu sortir. Vous aviez, je le crains, l’esprit trop excité, hier soir.

— Je voudrais bien l’avoir en repos sur le dernier point dont je vous ai entretenue cette nuit, Dorothée. J’espère que vous allez enfin me donner votre réponse.

— Puis-je aller vous retrouver au jardin, tout à l’heure ? demanda Dorothée, gagnant encore un peu de temps pour respirer.

— Je serai dans l’allée des Ifs pour une demi-heure environ.

Et il la quitta.

Dorothée, se sentant très fatiguée, sonna, et pria Tantripp de lui apporter ses vêtements pour sortir. Elle était restée assise pendant quelques minutes, mais sans nul retour du combat de la nuit. Elle sentait seulement qu’elle allait dire « oui » à sa propre condamnation ; elle était trop faible, trop pleine de crainte à la pensée d’infliger à son mari un coup poignant, pour faire autre chose que de se soumettre absolument. Elle demeura assise sans bouger et permit à Tantripp de lui mettre son chapeau et son châle, tant sa prostration était grande, car en général elle aimait à se servir elle-même.

— Dieu vous bénisse, madame ! dit Tantripp avec un mouvement spontané d’amour envers cette belle et douce créature, pour laquelle elle se sentait impuissante à faire