Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/83

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son origine surtout dans son aigre résistance à l’idée de ce droit, et pas uniquement dans des sentiments personnels, dont il était plus difficile de parler. C’était aussi pour Will, il faut l’avouer, que Dorothée souhaitait que cela fût connu, puisque ses amis ne semblaient le considérer que comme l’objet des charités de M. Casaubon. Pourquoi le comparerait-on à un Italien montreur de souris blanches ? Ce mot de mistress Cadwallader semblait une parodie dérisoire tracée par la main d’un démon.

À Lowick, Dorothée chercha dans les pupitres et les tiroirs, partout où son mari déposait ses manuscrits, mais elle ne trouva pas d’autres papiers s’adressant particulièrement à elle que ce « Tableau synoptique », commencement sans doute de bien d’autres instructions projetées pour sa gouverne. En léguant ce travail à Dorothée, M. Casaubon avait été, comme en toutes choses, lent et hésitant ; oppressé, en faisant un plan pour transmettre son œuvre, comme il l’avait été en l’exécutant, par le sentiment de sa pesanteur à se mouvoir dans un milieu obscur et plein d’obstacles. Il se défiait des capacités de Dorothée, mais il se défiait plus encore de tout autre rédacteur ; et il en était venu enfin à se créer pour lui-même une sorte de confiance dans la nature de Dorothée. Ce qu’elle aurait une fois résolu, elle était capable de l’exécuter. Il se la représentait volontiers travaillant et peinant dans les chaînes de la promesse qu’il lui aurait arrachée, pour élever un monument où serait inscrit son nom à lui. Mais les jours et les mois gagnaient sur lui et laissaient ses plans en arrière ; il n’avait plus que le temps d’exiger cette promesse, qui lui permettrait de conserver toujours sa froide étreinte sur la vie de Dorothée.

L’étreinte avait glissé. Liée par une promesse arrachée au plus profond de sa pitié, elle eût été capable d’entreprendre un labeur que son jugement lui disait tout bas