Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/90

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Mais ce que nous appelons désespoir n’est souvent que l’avidité douloureuse d’un espoir que rien n’encourage. Il y avait bien des raisons pour qu’il ne s’éloignât pas : et avant tout, des raisons d’ordre public pour ne pas quitter son poste à ce moment de crise, plantant là M. Brooke, alors qu’il aurait besoin d’être remorqué pour l’élection et lorsqu’il y avait à conduire au plus fort de la lutte tant de manœuvres électorales directes et indirectes. Et ce n’était pas une tâche facile de remorquer M. Brooke et de le maintenir dans l’idée qu’il devait s’engager à voter pour le « bill de réforme » au lieu d’insister sur son indépendance et sur sa faculté d’agir au bon moment.

M. Brooke devait, avant le jour de l’élection, se faire entendre devant les dignes électeurs de Middlemarch, du haut du balcon du Cœur-Blanc, qui faisait avantageusement saillie à un angle de la place du Marché. C’était par une belle matinée de mai, et tout semblait parler d’espérance. Il y avait quelque perspective d’accommodement entre le comité de Bagster et celui de M. Brooke, auquel M. Bulstrode, M. Standish, en sa qualité, de notaire et de libéral, et des manufacturiers tels que MM. Plymdale et Vincy donnaient un poids qui arrivait presque à contre-balancer Hawley et ses associés, les tenants de Pinkerton, au Dragon-Vert.

M. Brooke, conscient d’avoir, par ses réformes de propriétaire, dans cette dernière moitié de l’année, affaibli les coups que la Trompette avait dirigés contre lui, encouragé par les applaudissements et les vivats qui avaient accueilli son entrée en ville, en voiture, se sentait le cœur léger sous son gilet chamois. Mais, dans les occasions critiques, on dirait souvent que tous les moments semblent loin, jusqu’à ce qu’on touche au dernier.

— Cela a bon air, dit M. Brooke, tandis que la foule s’assemblait. J’aurai un bon auditoire, dans tous les cas.