Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/95

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— Maudites soient vos idées ! Nous voulons le bill ! cria une voix forte et grossière dans la foule au-dessous du balcon.

Aussitôt l’invisible Polichinelle qui avait jusqu’ici imité M. Brooke répéta :

— Maudites soient vos idées ! Nous voulons le bill !

Le rire devint plus fort que jamais, et, pour la première fois, M. Brooke, devenu lui-même silencieux, entendit distinctement l’écho moqueur. Mais comme il semblait ridiculiser son interrupteur, il était plutôt encourageant pour M. Brooke, qui reprit avec bonne humeur :

— Il y a du vrai dans ce que vous dites là, mon brave ami, et pourquoi sommes-nous rassemblés ici, sinon pour dire ce que nous en pensons ? — liberté d’opinions, liberté de la presse, indépendance, et toutes ces choses-là ? Le bill, maintenant, vous aurez le bill…

Ici M. Brooke s’arrêta pour rajuster son lorgnon et prendre un papier dans sa poche, avec le sentiment qu’il était pratique et qu’il en arrivait aux détails.

L’invisible Polichinelle répondit :

— Vous aurez le bill, monsieur Brooke, par la grâce des manœuvres électorales, et un siège hors du Parlement adjugé pour cinq mille livres sept shillings et quatre pence.

M. Brooke, au milieu de rires effroyables, devint rouge, laissa tomber son lorgnon et, regardant confusément autour de lui, vit sa propre image qui s’était rapprochée. Le moment d’après il la voyait piteusement éclaboussée avec des œufs qu’on lui jetait à la tête. Son humeur s’échauffa un peu, ainsi que sa voix :

— Faire les bouffons ! les paillasses ! Ridiculiser les champions de la vérité ! tout cela est bel et bien !…

Ici un œuf mal appris vint s’écraser sur l’épaule de M. Brooke, tandis que l’écho disait :

— Tout cela est bel et bien !