Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/96

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Puis vint une grêle d’œufs dirigés surtout contre l’image, mais atteignant parfois l’original, comme par hasard. Un flot d’hommes, qui venaient d’arriver sur la place, se faisaient jour à travers la foule, avec des sifflets, des hurlements, des aboiements et des fifres, et un vacarme d’autant plus affreux qu’on vociférait et luttait pour les faire taire. Nulle voix n’était capable de s’élever au-dessus de pareille rumeur, et M. Brooke, sous ce désagréable et humiliant baptême, ne défendit plus le terrain.

Il rentra dans la chambre du comité, disant avec autant d’insouciance qu’il put en affecter :

— C’est un peu trop fort, cela vous savez ! J’aurais fini par captiver peu à peu les oreilles de la foule, mais on ne m’en a pas donné le temps. Je serais peu à peu entré dans la question du bill, mais les choses s’arrangeront bien au moment de la nomination.

Il ne fut pas toutefois unanimement déclaré que les choses s’arrangeraient bien ; le comité, au contraire, paraissait assez mal disposé, et le personnage politique de Brassing écrivait d’une main affairée et comme s’il couvait de nouveaux desseins.

— C’est Bowyer qui a fait cela, énonça M. Standish évasivement. Je le sais aussi bien que si son nom eut été sur l’affiche. C’est un ventriloque remarquable. Il s’en est, par Dieu ! merveilleusement tiré ! Hawley l’a eu à dîner ces jours-ci. Il y a un fonds de talent dans Bowyer.

— Eh bien ! vous savez, vous ne m’en aviez jamais parlé, Standish, sans quoi je l’aurais invité à dîner, dit le pauvre M. Brooke, que le bien de son pays avait obligé à faire beaucoup d’invitations.

— Il n’y a pas de plus pitoyable individu à Middlemarch que Bowyer, s’écria Ladislaw indigné. Mais on dirait que ce sont toujours ces individus-là qui doivent faire pencher la balance.