Page:Eliot - Silas Marner.djvu/127

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leurs payements, négliger leurs clôtures, réduire leur matériel et leur bétail, vendre leur paille, et faire toute autre chose qu’il ne fallait pas faire ; puis, lorsqu’il était à court d’argent par suite de cette indulgence, il prenait contre eux les mesures les plus sévères, et devenait sourd à toutes les supplications. Godfrey savait tout cela, et il le ressentait d’autant plus vivement qu’il avait toujours éprouvé l’ennui d’être témoin des accès de colère soudains et impitoyables de son père, accès pour lesquels son irrésolution habituelle le privait de toute sympathie. Mais il ne critiquait pas l’indulgence coupable qui les précédait : cette indulgence lui semblait assez naturelle. Cependant, comme Godfrey le pensait, il y avait tout juste une chance pour que l’orgueil de son père considérât ce mariage sous un jour qui le persuaderait de le tenir secret, plutôt que de chasser son fils et de faire parler de la famille dans le pays, à dix milles à la ronde.

Tel était l’aspect sous lequel Godfrey réussit à envisager les choses d’assez près jusqu’à minuit. Il s’endormit ensuite, en pensant que c’en était fini de délibérer en lui-même. Mais lorsqu’il sortit de son sommeil dans l’obscurité paisible du matin, il trouva qu’il lui était impossible de réveiller ses pensées du soir précédent. On eût dit qu’elles étaient fatiguées outre mesure et ne pouvaient plus être ranimées pour un nouveau travail. Au lieu d’arguments en faveur d’un aveu, il n’était plus capable maintenant de se représenter autre chose que les fâcheuses con-