Page:Eliot - Silas Marner.djvu/14

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membres étaient roides, et que ses mains serraient le sac comme si elles eussent été de fer ; mais, juste au moment où il venait de conclure que Marner était mort, celui-ci avait repris tout à fait ses sens, en un clin d’œil, pour ainsi parler, lui avait dit « bonsoir », et s’en était allé. Jacques jurait qu’il avait été témoin de tout cela ; c’était d’autant plus vrai que, ajoutait-il, la chose avait eu lieu le jour même où il avait été faire la chasse aux taupes sur les terres du squire[1] Cass, là-bas, près de la vieille fosse des scieurs de long[2]. Quelques personnes disaient que Marner devait avoir eu une « attaque », mot qui semblait expliquer des choses incroyables autrement ; mais M. Macey, grand argumentateur et chantre de la paroisse, secouait la tête avec incrédulité, et demandait si l’on avait jamais vu quelqu’un perdre ses facultés dans une attaque sans tomber par terre. Une attaque était une paralysie, il n’y avait pas à en douter ; et il était dans la nature d’une paralysie de priver en partie un individu de l’usage de ses membres, et de le mettre à la charge de la paroisse, s’il n’avait point d’enfants pour lui venir en aide. Non, non, ce n’était pas une paralysie qui vous laisserait quelqu’un debout sur

  1. Principal propriétaire d’une paroisse, sorte de petit seigneur de village. (N. du Tr.)
  2. Fosse au-dessus de laquelle les scieurs de long posent les pièces de bois qu’ils débitent, et où se place l’un des ouvriers pour tirer la scie. Cette disposition dispense d’élever les pièces de bois sur des tréteaux, comme cela se pratique très souvent en France, procédé qui présente de grandes difficultés. (N. du Tr.)