Page:Eliot - Silas Marner.djvu/15

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ses jambes, comme un cheval entre les limons d’une voiture, et lui permettrait ensuite de s’en aller, aussitôt qu’on pourrait dire « Hue ! » Mais, peut-être bien y avait-il une chose telle que l’âme de l’homme, qui s’affranchirait du corps, en sortirait et y rentrerait, ainsi qu’un oiseau quitte son nid et y revient. C’était de cette manière que les gens devenaient trop instruits ; car, délivrés alors de leur dépouille corporelle, ils allaient à l’école auprès de ceux qui pouvaient leur enseigner plus de choses que leurs voisins n’étaient à même d’en apprendre avec leurs cinq sens et le pasteur. Et où maître Marner avait-il acquis sa connaissance des plantes — et aussi celle des charmes, quand il lui plaisait de les donner ? Il ne se trouvait rien dans l’histoire de Jacques Rodney qui pût surprendre quiconque avait vu comment Marner avait guéri Sally Oates, et l’avait fait dormir comme un enfant, alors que le cœur de cette femme battait à lui faire éclater la poitrine depuis deux mois et plus qu’elle recevait les soins du docteur. Marner était capable de guérir d’autres personnes s’il le voulait ; en tous cas, il y avait avantage à lui parler avec douceur, ne fût-ce que pour l’empêcher de faire du mal.

C’était en partie à cette crainte vague que Marner était redevable d’être à l’abri des persécutions que sa singularité aurait pu lui attirer, mais plus encore à une circonstance particulière. Le vieux tisserand de Tarley, paroisse voisine de Raveloe, était mort ;