Page:Eliot - Silas Marner.djvu/165

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car je vous veux du bien, en vérité. Faites votre révérence, Aaron. »

Silas dit au revoir à Dolly, et la remercia cordialement en lui ouvrant la porte. Toutefois, malgré lui, il se sentit soulagé lorsqu’elle fut partie, — soulagé de pouvoir tisser de nouveau et gémir à son aise. Cette manière simple de comprendre la vie et le bien-être, au moyen de laquelle Dolly avait essayé d’encourager Silas, n’était pour lui qu’un bruit éloigné d’objets inconnus, que son imagination était impuissante à se représenter. Les fontaines de l’amour du prochain et de la foi dans l’amour divin n’avaient pas encore été ouvertes, et son âme ressemblait encore au petit ruisseau rétréci[1]. Il n’y avait qu’une différence, c’est que le mince sillon tracé dans le sable était bloqué, et que l’eau s’en allait errant au hasard vers de ténébreux obstacles !

Et ainsi, malgré les paroles honnêtes et persuasives de M. Macey et de Dolly Winthrop, Silas passa la journée de Noël dans la solitude, mangeant sa viande le cœur attristé, bien qu’elle lui eût été offerte par une bonne voisine. Le matin, il regarda la gelée noire qui semblait s’appesantir cruellement sur chaque brin d’herbe, tandis que le vent glacial faisait frissonner la mare rouge à moitié gelée. Mais vers le soir la neige se mit à tomber, et lui voila même cette

  1. Allusion aux dernières lignes du chapitre II, page 36. (N. du Tr.)