Page:Eliot - Silas Marner.djvu/17

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à Raveloe, s’était trouvée remplie par le mouvement, l’activité d’esprit, et les relations intimes qui, en ce temps-là comme de nos jours, distinguaient l’existence d’un artisan incorporé de bonne heure dans une secte religieuse aux vues étroites, où le laïque le plus pauvre a des chances de se faire remarquer par le talent de la parole, et où, au pis aller, il influe par son vote silencieux sur le gouvernement de la communauté. Marner était fort estimé dans ce petit monde retiré qui, pour ses membres, constituait l’Église de la Cour de la Lanterne. On le regardait comme un jeune homme d’une vie exemplaire et d’une foi ardente ; et un intérêt particulier s’était toujours concentré sur lui depuis que, dans une réunion pieuse, il était tombé dans un état mystérieux de roideur et d’insensibilité, état qui avait duré une heure ou davantage, et qu’on avait pris pour la mort. Si l’on eût cherché à donner à ce phénomène une explication médicale, cela eût été considéré par Silas lui-même, par le pasteur et les autres membres de la congrégation, comme un abandon volontaire de la signification spirituelle que le fait pouvait impliquer. Silas était évidemment un frère élu pour un ministère particulier, et, bien que les efforts pour en interpréter la nature fussent découragés par l’absence de toute vision spirituelle pendant son extase extérieure, cependant, il croyait avec les autres, que le résultat se manifestait dans son âme par un accroissement de lumière et de ferveur. Un homme moins sincère que Marner