Page:Eliot - Silas Marner.djvu/190

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Le Dr  Kimble, — les apothicaires de campagne dans l’ancien temps jouissaient de ce titre sans la sanction d’un diplôme, — homme svelte et agile, courait d’un bout à l’autre de la pièce, les mains dans les poches. Il se rendait agréable auprès de ses clientes du beau sexe, avec l’impartialité d’un homme de sa profession, et partout il était le bienvenu en sa qualité de docteur de droit héréditaire. Il n’était pas un de ces apothicaires misérables qui vont en quête d’une clientèle dans des localités nouvelles, et qui dépensent tout leur revenu à faire mourir de faim leur unique cheval ; au contraire, c’était un homme dans l’aisance, aussi capable de tenir une table surabondante que le plus riche de ses malades. De temps immémorial, le docteur de Raveloe avait été un Kimble. Kimble était essentiellement un nom de docteur ; aussi était-il difficile d’avoir le courage de se représenter cette triste réalité que le Kimble actuel n’avait pas de fils, et qu’en conséquence sa clientèle pourrait être transmise un jour à un successeur du nom incongru de Taylor ou de Johnson. Mais, dans ce cas, les gens les plus raisonnables de Raveloe appelleraient le Dr  Blick, de Flitton, ce qui serait plus naturel.

« M’avez-vous parlé, ma chère ? » dit le digne docteur, venant rapidement à côté de sa femme ; toutefois, comme s’il prévoyait qu’elle serait trop hors d’haleine pour répéter la remarque qu’elle venait de faire, il continua immédiatement :

« Ah ! mademoiselle Priscilla, votre présence ravive