Page:Eliot - Silas Marner.djvu/208

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nuellement en amertume contre Godfrey. Il vivait dans l’aisance, lui, et, si ses droits d’épouse étaient reconnus, elle aussi serait dans l’aisance. La conviction qu’il se repentait de son mariage et qu’il en souffrait, ne faisait qu’aggraver la rancune de Molly. Les réflexions saines qui poussent le coupable à se blâmer intérieurement, ne nous viennent pas en trop grand nombre, même dans l’air le plus pur et avec les meilleures leçons du ciel et de la terre. Comment ces délicates messagères aux blanches ailes pouvaient-elles arriver jusqu’à la cellule empoisonnée du cœur de cette femme, cellule habitée seulement par des souvenirs aussi peu nobles que ceux d’une fille d’auberge, rêvant à son paradis d’autrefois, — à ses rubans roses et aux plaisanteries des messieurs ?

Elle était partie de bonne heure, mais elle s’était attardée en route. Son indolence la disposait à croire que la neige cesserait de tomber si elle attendait sous un abri chaud. Elle s’était arrêtée plus longtemps qu’elle ne le pensait, et, maintenant qu’elle se trouvait surprise par la nuit dans les longues ruelles rugueuses et recouvertes de neige, même l’ardeur de son dessein de vengeance ne pouvait empêcher son courage de faiblir. Il était sept heures. À ce moment elle n’était pas très loin de Raveloe, mais elle ne connaissait pas assez familièrement ces ruelles monotones, pour savoir combien le but de son voyage était proche. Elle avait besoin de consolation, et elle ne connaissait qu’un consolateur, — le démon familier